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L'Église Saint Guénolé

 

 

 

Dédiée à Saint Guénolé, elle a été construite en 1902. Elle est la troisième église depuis la naissance du village, et sûrement celle dont les Sénans sont le plus fiers, car ils l'ont construite de leurs mains.

 

 

La toute première église a disparu. Elle fut bâtie dans le cadre d'un prieuré, vers l'an 440, à l'emplacement actuel de la mairie, au XIIème siècle, par les moines de Landevennec dont l'île était une dépendance. On ignore le nom du Saint qui lui assurait protection. Elle est connue du public grâce au livre d'Henri Queffelec qui a retracé de façon romancée la vie de Fanch ar Su, le recteur de l'Île de Sein qui officiait dans cette église.

 

Photo archive Pierre Portais - Ancienne église

 

 

Devant les dégâts du temps, on construisit une nouvelle église exactement à l'emplacement de la première, dédiée à Sant Collaudan (Saint Collodan). Elle était petite et très vite eu besoin de réparations. Les décennies passèrent et l'église devint à la fois trop petite devant l'essor de la population sénine (environ 2000 âmes) et terriblement dangereuse, le toit menaçant sans cesse de tomber sur la tête des paroissiens et les murs lézardés de s'écrouler sur les Sénans en prière. De plus, le sol de Sant Collaudan était un mètre en dessous du sol du cimetière attenant, et il laissait passer d'importantes infiltrations sur les pieds des hommes et des femmes.

 

 

 

 

 

C'est en 1898 que la décision fut prise de construire une nouvelle église, malgré les petits moyens de la commune. Un nouvel emplacement est recherché et est rapidement trouvé. Il est choisi plus en hauteur, au point culminant de l'île, sur un terrain appartenant à la Fabrique (le Conseil de Fabrique, créé en 1820,  a été remplacé par le Conseil Paroissial juste avant la Photo archive Pierre Portais - Ancienne église1ère guerre mondiale). Cet endroit est désert d'habitation et ne comporte qu'un couple de menhirs. De vieille tradition celte, les Sénans ne voient pas d'impossibilité à avoir sur un même lieu sacré un double monument druidique et une maison de Dieu. L'église s'élèvera aux pieds des Bregouriens (les Causeurs). Le temps de la construction, les Saintes Reliques ne sont pas plus en sécurité que les paroissiens dans l'ancien lieu de culte et sont envoyées à l'Abri du Marin.

 

Les plans sont dessinés par M. Gassis L'édifice comprendra, la travée du clocher encastré, une nef de six travées avec bas-côtés et un choeur d'une travée droite avec bas côtés servant de sacristie et chevet en hémicycle. Très vite, il devient évident que les moyens financiers vont manquer et que tous devront travailler pour économiser au maximum les coûts de constructions. Les pierres angulaires sont achetées et acheminées jusqu'à l'île, mais les murs sont construits par les Sénans. La première pierre est posée le 5 mars 1901, et à partir de cette date, c'est un défilé incroyable qui se déroule quotidiennement sur le caillou.

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Photo archive ThymeurLes femmes descendent à la grève vers les hommes courbés, emplissant des couffins et des corbeilles. Ils arrachent la pierre à la base de l'île, à grands coups de pic et à la force des bras. D'autres hommes emplissent les paniers de ces gros gravats et deux par deux aident les femmes à les charger sur leurs têtes. C'est d'un pas égal et cadencé que les Sénanes s'éloignent, une main maintenant la corbeille de plusieurs dizaines de kilos, et l'autre en balancier ou serrant la hanche, traversant les quelques centaines de mètres qui les séparent du nouveau chantier.

 

Pas un mot, pas une plainte ne sort de la bouche des Sénans. Ils ont choisi cette corvée qui renforce leur Foi en Dieu comme en leur pays. Ce travail était effectué en supplément de journées de labeur quotidien, déjà bien remplies, cassant un peu plus les dos meurtris des hommes et les épaules douloureuses des femmes.

 

Peu d'églises dans le monde peuvent s'enorgueillir d'avoir été bâties ainsi grâce à la Foi des hommes. Le long défilé des femmes a continué longuement. Tout l'été 1901, et l'automne d'après, et encore l'hiver. Jamais les habitants de l'île n'ont baissé les bras, ni renoncé à leur sacrifice pour la communauté. Tout le temps des travaux, ils pouvaient aller prier dans l'ancienne église encore en place. Celle-ci ne fut d'ailleurs détruite qu'en 1910.

 

Enfin, l'église est prête. Elle est à l'image de ceux qui l'ont construite : simple, humble et belle. L'autel de pierre blanche a été offert par Monseigneur Dubillard, évêque de Quimper, peut-être ému de la ferveur et du courage de ses paroissiens. Le bas-relief qui habille cet autel a été sculpté par M. Francis Jacquier, de Caen.  La chaire, toute de bois sculptée, a été offerte par la Congrégation des Filles du Saint Esprit, de Saint Brieuc, et le chemin de Croix provient de la Chapelle du Likès, de Quimper.

 

Carte postale - Archive Thymeur

 

La consécration de l'édifice se fait le 8 juillet 1902, devant l'évêque et 45 prêtres. L'église porte le nom de Saint Guénolé, conscience du roi Gradlon, duquel il reçu la petite Île de Sein.

 

Une plaque est apposée au-dessus du fronton de la porte principale : "Stat virtute Dei et sudore plebis" (Erigée par la grâce de Dieu et la sueur du peuple).

 

M. Francis Jacquier a également gravé la plaque de marbre instruisant le passant breton de la construction et de la consécration de l'église. Voici sa traduction :

"Léon XIII, Pape.

Cette église a été édifiée grâce aux offrandes des braves gens et au travail des paroissiens. Les hommes ont tirés les pierres de la grève tandis que les femmes les ont transportées jusqu'ici. C'est pourquoi, il sera vrai de dire en tout temps : chaque pierre, chaque grain de sable qui se trouvent dans ces murailles ont été mis là par les chrétiens de la paroisse.

Ses fondations furent creusées, le 5 mars 1901. Le 8 juillet 1902 (l'église) a été consacrée par Monseigneur Dubillard, évêque de Quimper et de Léon.

 

Dans la paroisse étaient alors,

        

 

 

 

 

 

 

 

Recteur : Alexis LE BORGNE
Vicaire : Joachim JONCQUEUR
Maire : Jean-Pascal MILLINER
Le conseil de l'église était composé de :
Jean-Noël GUILCHER, Président
Jean-Noël GUILCHER, Gouvernant
Jean MENOU
Jean SALAÜN
Jean-Pierre PORSMOGUER

 

Que la Sainte Eglise reste toujours solide, que la Foi demeure forte dans le cœur des Îliens avec la grâce de Dieu et la protection de notre Patron, Saint Guénolé."

 

Devant un public recueilli, Monseigneur Dubillard prend la parole :

"… Merci spécialement à vous, chers habitants de l'Île de Sein. Que béni soit le Seigneur, qui a permis à ces chrétiens d'élever cette belle église qui fera monter vers le Ciel une prière continuelle pour la paroisse, pour les marins exposés aux dangers de l'océan, pour la Bretagne, pour la France, pour l'Eglise toute entière. Au nom de Notre Seigneur, merci pour vos sacrifices. On m'a dit que les femmes de l'île ont apporté elles-mêmes de la grève les pierres qui devaient former ces murs, élever ces élégantes colonnes…".

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C'est en 1940 que les quatre cloches prennent place dans le moignon de clocher sans flèche existant alors. Fondues à Annecy, elles portent des noms de Saintes protectrices :

-         Joséphine Anastasie

-         Jeanne Marie Corentine

-         Perrine Michèle

-         Marie Guénolé Julie

 

Un cantique est même composé pour l'occasion :

Savit, savit, ho mouez

Kleier kaer Enez Sun

Dougit eus tour o parrez

Bemdez e-doug ar zun

Dougit beteg or Zalver

Hor gwella pedenou

Hag he skuillo diniver

Varnomp e vennoziou

Elevez, élevez, vos voix

Belles cloches de l'Île de Sein

De la tour de notre paroisse

Chaque jour de la semaine

Portez jusqu'à notre Seigneur

Nos meilleurs prières

Et qu'Il répande abondamment

Sur nous Ses bénédictions

 

Les cloches sont actionnées manuellement jusqu'en octobre 1970, date à laquelle l'électricité remplace les bras du sacristain. Une panne les rend muettes les années 1998 et 1999, mais le nouveau millénaire entend de nouveau chanter leurs voix.

 

En  1945, Odette du Puigaudeau visitait l'île de Sein. De retour à Paris, elle écrivait dans "Grandeur des îles" :

Photo Corynn - Eglise Saint Guénolé"…L'église est neuve, simple, sans style ni art. Cependant, elle est plus émouvante q'une cathédrale. C'est qu'elle a pesé, pierre à pierre, sur la tête de chaque îlienne agenouillée sous ses voûtes. Même les fillettes, après l'école, portaient les moins lourdes charges. Rentrés de la pêche, les hommes taillaient les blocs ou bien, aux grandes marées, allaient quérir au continent les pierres sculptées pour les ogives et les piliers.

Les imaginez-vous, toutes ces femmes aux cornettes noires, lentes silhouettes balancées, poings aux hanches, à travers la dune, longue fresque des suppliantes, apportant fièrement en offrande des morceaux de leur île ?

Pax ! Ô Paix à ce peuple marin car il est plein de bonne volonté. Sur leur tête, les hommes ont porté la tempête, et les femmes, leur église…".

 

Le 17 octobre1960 voit l'arrivée des vitraux de l'église. Ils ont été réalisés par un maître verrier de Quintin, M. de Sainte Marie, le bien nommé. Au centre, on peut admirer le saint patron de l'île, Saint Guénolé. De chaque côté, se tiennent Dom Michel Le Nobletz et le Bienheureux Julien Maunoir.

 

Photo COrynn -Clocher de la nouvelle église

 

Le 26 février 1962, la décision est prise de surélever le clocher du monument, mais il faut attendre le 9 octobre 1963 pour qu'enfin le coq dominant celui-ci, soit mis en place à 7,50 mètres au-dessus du faîtage de l'église. Ce nouveau clocher reçoit la bénédiction de Monseigneur Favé, le 24 mai 1964.

 

 

 

L'église abrite trois statues. Celle de la Vierge est régulièrement sortie pour être portée en procession. Saint Guénolé et Saint Corentin sont les deux autres statues. Sur la chaire, on peut voir Saint Guénolé, Saint Corentin, le Père Maunoir, dom Michel Le Nobletz et le Christ enseignant.

 

 

 

Les Sénans ne sont décidément pas des gens ordinaires. Il leur fallait construire leur église à partir de leurs mains et de leur sueur. En acceptant simplement ce long et dur travail de fourmis, ils ont gagné en grandeur d'âme. En visitant ce lieu sacré, ayez une petite pensée pour tous ceux et toutes celles qui ont contribué à la construction de l'église Saint Guénolé, LEUR église.

 

Merci de respecter les horaires des offices

et d'attendre la fin de la messe avant de visiter le lieu.

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A lire absolument si vous voulez connaître l'histoire de l'église Saint Guénolé :

"L'île de Sein : Une paroisse, des histoires...", de Pierre Portais - mouezenezsun@wanadoo.fr