Les galets
Ne les emportez pas !
Il faut savoir que l'île a une base rocheuse, recouverte d'une couche d'humus, composée de sable et de poussière de goémon. Entre les deux, une couche de galets tenus les uns aux autres par de l'argile jaunâtre. Sans galets, pas d'humus ; sans humus, pas d'île habitée. Les plages de galets font partie de ce processus immuable qui permet le miracle de la vie sur l'île.
Les galets de l'île de Sein sont particulièrement beaux. Ronds, lisses, doux, de toutes les tonalités de grisé, leur touché apaise celui qui les caresse. Et chaque touriste qui vient veut en garder entre un et dix, en souvenir de son passage sur l'île.
Imaginez que chaque touriste n'en prenne qu'un seul. Cela fait 120.000 petits galets qui disparaissent de l'île. Très souvent, les gens ne se contentent pas d'un seul caillou, mais de plusieurs. Imaginez qu'ils en prennent seulement cinq chacun, cela fait 600.000 galets perdus pour l'île.
Chaque année, plusieurs tonnes de galets "disparaissent" ainsi du fait du tourisme. Chaque année, Sein est détruite un peu plus, victime de son succès. L'île est fragile. Respectez-là, et si d'occasion, lors d'un séjour sur le caillou, vous voyez une personne à côté de vous ramasser et garder un petit galet, expliquez lui que c'est un peu de l'île qu'il fait mourir par son geste. Merci de votre soutien et de votre participation à la survie de l'Île de Sein.
Les Cairns - Sentinelles
Voici une pratique que les touristes adorent. Il s'agit d'aller sur la plage de galets au pied du grand phare, face à la Chaussée de Sein, de prendre un joli caillou rond et lisse et de le poser sur un autre. On peut juste ajouter sa pierre à une construction existante, ou carrément construire un Cairn en montant une pyramide de galets, les uns sur les autres. Tous les ans, des centaines de Sentinelles sont ainsi construites, veilleuses éphémères que les tempêtes querelleuses et les colères de l'océan détruiront en un hiver.
L'élévation de Cairns est donc une belle coutume sénine que les touristes apprécient peut-être plus que les autres,… sauf que ce rituel reproduit à des centaines d'exemplaires n'est pas sénan d'origine. Ce sont les touristes eux-mêmes qui l'ont créé initialement, vers le début des années 1990. Depuis, chaque été voit l'augmentation du nombre de Sentinelles, et cette plage de Sein devient "Le" lieu consacré aux constructions de galets. C'est ainsi que se crée une coutume.
Même si le fait n'est pas une ancienne coutume druidique typique de l'Île de Sein, comme le pense souvent le nouveau venu, il était relativement courant que de tous temps, les enfants de l'île jouent à monter des petites sentinelles sur les plages de Sein.
Démonstration d’un geste humain, les Cairns existent semble-t-il depuis que l'homme est sur Terre. On en trouve sur tout le Globe, dans chaque type de paysages. Poser une pierre sur une pierre est riche en symboliques, de la création du monde à la mise en place de repères culturels, vers une autre perception du monde environnant ; au simple balisage d’un sentier pour montrer la route à suivre.
Cette création fragile et forte est de fait liée à la fécondité pour la quasi totalité des peuples fondateurs de Cairns. Partir de rien, d'un amas difforme, sans logique, et façonner une configuration lancée vers le ciel est un appel à l'amour pur. C'est le contraire d'un acte de violence : au lieu de lancer des pierres, on s’en sert pour bâtir la Beauté ; au lieu de jeter, on crée.
A l'Île de Sein comme ailleurs, ces gardiennes silencieuses s'élèvent vers le firmament, soulevant notre âme vers la Paix. L'équilibre des galets correspond alors à notre équilibre intérieur. C'est par cette nouvelle stabilité que nos esprits peuvent communier avec l'Esprit de la Mère Nature.
Cette nouvelle coutume est belle est doit perdurer. Il est cependant important de vous demander de prendre les galets qui sont sur la plage, et de ne surtout pas vous servir des galets et des pierres qui forment les petits murs entourant les champs proches de la plage : ces murs sont vitaux pour la sauvegarde de l'île.
Les croyances
Les galets de l'île de Sein ont le pouvoir de guérir les Sénans de la fièvre. Il faut pour cela transmettre la maladie dans neufs galets qu'on enferme dans un mouchoir appartenant au souffrant. Il suffisait alors de déposer le mouchoir aux galets au pied d'un menhir en priant que quelqu'un le prenne. Lorsque le vœu était exaucé, malheur à celui qui avait ramassé le mouchoir. Dès qu'il libérait les neufs galets, il "prenait" la maladie à son tour et tombait fiévreux, libérant le premier alité qui recouvrait alors la santé et pouvait se lever.
L'autre croyance est liée aux arcs-en-ciel. Ceux-ci représenteraient des échelles chargées des âmes des morts, qui montent ou descendent suivant leur envie le long de l'arc de lumière. Un des rites sacrés pour conjurer l'arc-en-ciel consistait à disposer les galets en forme de croix, ou à les amonceler en cairn. Certains marins disaient autrefois "Que l'arc-en-ciel me serve de cravate".
Souvent, les matelots sénans ont dans la poche un petit galet de leur île, qu'ils peuvent toucher et qui les rapproche un peu de leurs racines. Vu la structure particulière de Sein, ils ont « un morceau de l’île » avec eux. Ils n’enlèvent pas un galet à l’île, puisqu’ils savent qu’ils reviendront et rendront celui-ci à la terre sénine.
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